Laurence Freeman, osb, « La peur de la mort », dans La Parole du silence, Le Jour éditeur, 1995, pp. 170-173.
En méditant, nous mourons et nous affrontons la mort chaque jour. Et si nous faisons face à la mort quotidiennement, si nous nous permettons de mourir un peu chaque jour, alors l’expérience de la mort nous permettra de vivre plus pleinement chaque instant. Faire face à la mort avec foi nous conduit au-delà de la peur de la mort et nous permet de vivre chaque jour avec le ferme espoir de connaître la vie éternelle. Cet espoir explique pourquoi la méditation est une façon de vivre. Parce que c’est une façon de mourir. La mort neutralise tout sentiment du futur et nous force ainsi à nous concentrer entièrement sur le moment présent. Où aller, sinon dans le moment présent ? Lorsque nous faisons véritablement face à la mort, nous nous trouvons totalement dans le moment présent. Si nous pouvons regarder la mort avec cette attention absolue, sans tenter de l’éluder, nous entrons dans l’éternité avant de mourir.
Mais nous tentons constamment de fuir le moment présent, soit en vivant dans le passé, soit en créant un monde imaginaire. Or, lorsque nous méditons, le fait de dire le mantra ferme la porte à ces deux options et bloque la route de l’évasion. Il n’y a nulle part où aller, sauf ici. Le mantra indique une seule direction, le cœur. Le chemin est étroit, mais c’est celui de la vérité. À mesure que nous cheminons sur la voie du mantra, à mesure que nous apprenons à le réciter avec courage et humilité, il nous mène sur une voie où tout ce qui nous empêche de parvenir à la plénitude de vie meurt. Nous mourons chaque jour dans la foi, et c’est là la préparation suprême à l’heure de notre mort. Toutefois, cette voie de mort dans la foi nous amène inévitablement à affronter deux forces très puissantes : la peur et la colère. […]
La colère, et la peur qui en est la source, représentent tout ce que la méditation n’est pas. La colère la plus intense émane de la peur la plus profonde : celle de la mort. Mais il existe aussi toutes sortes de causes secondaires ; la peur peut provenir de tout ce qui compose notre bagage psychologique, notre histoire personnelle. Nous devons avoir conscience, lorsque nous méditons, et à mesure que nous nous purgeons de cette colère, que notre préoccupation immédiate n’est pas d’en chercher la provenance. Ce qui importe réellement, c’est que nous soyons en train de nous en défaire. […] Ce qui importe, c’est que l’amour en acte dans la foi qu’exprime le mantra chasse la colère de notre cœur. […]
« Dieu est amour : qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui. Voici comment l’amour atteint, chez nous, sa perfection : avoir de l’assurance au jour du jugement ; comme Jésus, en effet, nous ne manquons pas d’assurance en ce monde. Il n’y a pas de crainte dans l’amour, l’amour parfait bannit la crainte. » (1 Jn 4, 16-18)
Après la méditation
Saint Augustin, « Sermons », cité dans : Olivier Clément, Sources. Les mystiques chrétiens des origines, Desclée De Brouwer, 2007.
La peur est une souffrance qui nous oppresse. Mais considérez l’immensité de l’amour.