Laurence Freeman, osb, Réflexion de la semaine sainte 2008, www.wccm.org.
J’écris depuis l’île de Bere, pendant notre retraite de la semaine sainte pour les jeunes méditants. En ce moment, il n’y a pas de nuage dans le ciel et la clarté de la lumière réveille toutes les couleurs cachées, l’ombre et la texture de la mer, des arbres et des montagnes. La nature nous laisse facilement croire que le parcours de l’homme va vers la lumière du Christ, le soleil de la Résurrection qui ne se couche jamais. La météo nous avertit cependant de quelques coups de froid et précipitations (c’est l’Irlande) tout comme nous savons que nos vies ne peuvent être exemptes de souffrance.
Dans nos échanges de la retraite, nous observons les tensions que nous devons vivre au jour le jour. Comment gérer l’équilibre entre les engagements de la famille, du travail et de la pratique spirituelle ? Comment supporter le style culturellement conditionné de l’Église et continuer à y rester ? Comment lire les révélations essentielles de la doctrine chrétienne à la lumière du langage et de l’expérience modernes ? Le temps sacré, comme celui où nous entrons cette semaine, nous donne la place, l’espace intérieur nécessaire pour ces tensions, pour accepter ce qui semble inacceptable et pour nuancer ce qui semble insupportable.
Au cours des prochains jours, nous recevons la force de réagir à tous les aspects de l’être humain qu’illustre Pâques. Demain, nous célébrons la cène du Seigneur et éprouvons la joie et les tensions de la vie en communauté en nous lavant les pieds les uns des autres et en apprenant ce que signifie une relation fidèle. Vendredi, nous sommes face aux refoulements les plus profonds de notre psyché, à la mortalité et à la peur qu’elle engendre, à la terreur de la perte absolue et de l’abandon. Nous apprenons qu’en accueillant cela, nous trouvons un sens qui ouvre une porte par laquelle nous devons passer mais qui est toujours un passage vers l’inconnu. Samedi, nous nous reposons sur l’horizon de ce sens, entre la perte et la découverte. Nous sommes incertains, toujours pas convaincus, pourtant nous ne nous sommes pas fermés à la possibilité – la possibilité qui monte tôt le matin, depuis le vide du tombeau, de la réalité d‘une vie nouvelle qui nous inonde.
Après la méditation
Mary Oliver, « Matin dans une terre nouvelle », New And Selected Poems, Boston, Beacon Press, 1992, p. 251.
Matin dans une terre nouvelle
Dans les arbres où la nuit s’égouttait encore, des oiseaux inconnus
S’éveillaient, secouaient les flèches de leurs ailes, et chantaient,
Lentement, comme des pinsons sortant d’un rêve.
Le soleil rose tombait, comme du verre, sur les champs.
Deux alezans, et un gris pommelé,
Leurs croupes trempées de lumière, leurs poils sombres ruisselant,
Remontaient la colline. La dernière brume s’évaporait.
Et sous les arbres, au-delà de la dérive fragile du temps,
Je me tenais comme Adam en son jardin solitaire
En ce premier matin, sortant du sommeil,
Se frottant les yeux, écoutant, écartant les feuilles,
Comme le papier d’un vaste et incroyable cadeau.