SE NOURRIR DE LA BEAUTÉ, SE NOURRIR DE LA PEINE
Laurence Freeman OSB, extrait de Common Ground, New York, Continuum, 1999, p. 134.
L’appel à une expérience spirituelle plus profonde, entendu par tant de personnes aujourd’hui, n’est pas une échappatoire aux dilemmes et aux responsabilités de ces temps troublés – même s’ils sont le “début d’un nouvel âge sombre”, comme certains le craignent. Alors que les solutions sociales et économiques à court terme semblent de plus en plus fréquemment nous faire défaut, et qu’on dénonce la façade fragile de notre système politique, que pouvons-nous faire d’autre que “d’aller en profondeur” ? La profondeur signifie ici l’esprit. Nous trouvons la dimension spirituelle dans ces réalités sacrées de la vie, communes à tous, que sont les réalités de la naissance et de la mort. Ces réalités inéluctables nous unissent à nos semblables dans une conscience intense de la sagesse et de la compassion – même pour ceux avec lesquels nous pouvons être en profond désaccord. Rien n’est plus naturel. La mort et la naissance poussent instinctivement le cœur à la compassion, au chagrin partagé, à la joie partagée.
Après la méditation
Kim Stafford, “What For ?” in Singer come from Afar, Pasadena, Red Hen Press, 2021, p. 122.
Pour quoi faire ?
A quoi sert la beauté –
un coucher de soleil qui brûle mon âme
sans pensée ni projet ?
La beauté verte de l’aube, le miel des abeilles,
la pierre dans la main si soyeuse, travaillée longuement
par la mer pour ravir les siècles ?
Et que dire de la douleur – de l’épine
au cœur pour mon enfant blessé,
de la douleur muette pour mon frère parti
depuis trente ans, lente brûlure de la disgrâce
quand j’échoue à ce que je dois faire :
voir mon pays meurtri et déchiré ?
Alors, pour faire de bonnes choses –
une chanson, un acte gentil, une amitié –
il faut se nourrir de beauté à chaque instant.
Et pour faire la vérité, il faut se nourrir de chagrins,
ronger leurs structures salées,
mordre l’écorce amère.