Qui dites-vous que je suis ?
Extrait de la Lettre de Laurence Freeman OSB, Bulletin trimestriel de la WCCM, Vol. 30, No. 1, mars 2006.
Les premiers chrétiens voyaient en Jésus un médecin de l’âme de l’humanité plutôt que le fondateur d’une nouvelle religion. Il faut comprendre la signification profonde de sa personne – et tous les niveaux d’identité ouverts par sa question “qui dites-vous que je suis ?” – dans la liberté qu’il offre à ceux qui apprennent de sa douceur et de son humilité. C’est surtout possible pour ceux qui acceptent le joug léger de son amitié. Abandonner cette liberté au profit d’une autre dépendance, c’est ne pas le reconnaître. La phrase “Il était dans le monde, et le monde était venu par lui à l’existence, mais le monde ne l’a pas reconnu” est autant un avertissement pour nous aujourd’hui qu’une description de ce qui s’est passé au cours de sa vie temporelle. Cela s’applique encore davantage aux chrétiens qui en font un autre dieu ou une idole qu’aux vrais chercheurs qui ne savent pas encore comment le comprendre.
Il ne peut être plus clair : il se propose comme un chemin qui, à son niveau le plus profond, peut se comprendre comme ne faisant qu’un avec le but même. “Celui qui croit en moi, ce n’est pas en moi qu’il croit, mais en Celui qui m’a envoyé ; et celui qui me voit voit Celui qui m’a envoyé” (Jn 12,44-45).
Il est facile d’ignorer le paradoxe de ces paroles. Nous préférons les certitudes rationnelles et définissables. Il est également facile de se moquer de ce qui semble remettre en question nos façons familières de penser et de percevoir la réalité. Et si ces modes familiers de perception inversaient en fait la réalité ? Si ce que nous appelons liberté était en fait une dépendance ? Les maîtres du désert comprirent que faire face aux dures vérités de nos illusions et de nos dépendances est le fruit d’un travail sur de nombreuses tentations. […] Ils appelaient cela lutter contre les démons, mais ils savaient que les démons sont en nous. Nous ne faisons qu’éluder la lutte en les projetant à l’extérieur.
L’intégrité de la personne, notre liberté d’être nous-mêmes et d’aimer les autres, se perfectionne chaque fois que nous acceptons d’essayer de nous asseoir pour faire le travail du silence.
Après la méditation
Linda Gregg, “Fishing in the Keep of Silence,” All of it Singing (Graywolf Press, 2008), p. 111.
Pêcher dans le maintien du silence
Il se fait maintenant un silence tandis que les collines s’élèvent et que Dieu s’endort.
Il fait confiance au navire du Ciel pour prendre le relais et se dérouler à merveille
pendant qu’il s’allonge, rêveur, sur les genoux du monde.
Il sait que les hiboux garderont la douceur de l’âme dans leur immense maintien du silence,
contemplant, les yeux ouverts ou fermés, la longueur de la baie de Tomales
que suivent les aigrettes, blanches et larges en vol, blanches et minces debout.
Dieu, qui pense sans cesse à la poésie, respire joyeusement en se redisant :
des poissons sont dans le filet, beaucoup de poissons cette fois dans le filet du cœur.