Home 2024 juin 02 Lectures hebdomadaires – L’addiction : la conséquence d’une erreur d’identité

Lectures hebdomadaires – L’addiction : la conséquence d’une erreur d’identité

Extrait de la lettre de Laurence Freeman OSB, Bulletin trimestriel de la Communauté mondiale pour la méditation chrétienne, printemps 2006.

L’addiction n’est que la conséquence tragique d’une erreur d’identification. Nous pensions que cette substance ou cette activité allait nous aider à trouver ce que nous cherchions. En réalité, elle s’est avérée être un démon déguisé en ange de lumière. […] Lorsque Cortez, l’envahisseur espagnol du XVIe siècle, arriva sur la côte mexicaine, les Aztèques crurent qu’il était l’accomplissement de leurs prophéties religieuses. Ils l’embrassèrent et l’accueillirent avant de découvrir au prix de leur culture tout entière qu’ils s’étaient trompés.

On s’agrippe toujours à ses sauveurs imaginaires sans se rendre compte qu’aucun sauveur véritable ne permet qu’on s’agrippe à lui. […] « Ne me retiens pas. […] Je ne suis pas encore monté vers le Père. » Le vrai guérisseur laisse le lien se nouer, mais ne le laisse pas dévier vers une dépendance. Pour les premiers chrétiens, Jésus était un médecin de l’âme humaine plutôt que le fondateur d’une nouvelle religion. Sa signification profonde – et tous ces niveaux d’identité ouverts par sa question « Qui dites-vous que je suis ? » – ne se laissait découvrir que dans la liberté qu’il offrait à ceux qui apprenaient de sa douceur et de son humilité. Ceux surtout qui acceptaient le joug léger de son amitié. Abandonner cette liberté pour une autre dépendance, c’est manquer le reconnaître. « Il était dans le monde, et le monde fut par lui, et le monde ne l’a pas reconnu. » C’est un avertissement qui nous est adressé, à nous aujourd’hui, autant qu’une description de ce qu’il lui advint durant sa vie temporelle. Il ne pouvait pas être plus clair : il s’offre lui-même comme un chemin qui, à son niveau le plus profond, se comprend comme étant identique au but lui-même. « Qui croit en moi, croit, non pas en moi, mais en celui qui m’a envoyé ; et qui me voit, voit celui qui m’a envoyé » (Jn 12, 44).

On passe facilement à côté du paradoxe contenu dans ces paroles. On préfère les certitudes rationnelles, définissables. Et si ces modes de perception familiers inversaient la réalité ? Et si ce que nous appelons liberté n’était qu’addiction ? […] Les Pères du Désert avaient compris que pour affronter les dures vérités de nos illusions et de nos dépendances, il faut vaincre de multiples tentations. […] Ils y voyaient une lutte avec les démons, mais ils savaient que ceux-ci sont à l’intérieur de nous. C’est se dérober au combat que de les projeter à l’extérieur. L’unité de la personne, la liberté d’être soi et d’aimer les autres, se perfectionne dans la mise à l’épreuve volontiers acceptée chaque fois que nous nous asseyons pour accomplir l’œuvre du silence.

Après la méditation

Rumi, “The soul’s Friend”, extrait de The Soul of Rumi: A New Collection of Ecstatic Poems, trad. Coleman Barks, New York, HarperCollins, 2001, p. 190.

L’Ami de l’âme

Écoute ton être essentiel – l’Ami.
Quand tu ressens du désir, sois patient

et aussi prudent, modéré avec la nourriture et la boisson.
Sois comme une montagne dans le vent.

As-tu remarqué comme elle bouge peu ?
Des illusions charmantes se présentent pour t’éloigner.

Donne-leur congé avec quelque excuse :
« J’ai une indigestion, » ou « Je dois voir mon cousin ».

Tu pêches, l’hameçon et son appât valent peut-être
cinquante ou soixante pièces d’or,

mais valent-ils vraiment ta liberté dans l’océan ?
Quand tu voyages, ne t’éloigne pas de ton sac.

Je suis le sac qui contient ce que tu aimes.
Tu peux être séparé de moi !

Prends soin de vivre dans la joie de cette amitié. Ne pense pas :
« Mais ceux-là aussi m’aiment. »

Il y a des invitations qui résonnent
comme le sifflet de l’oiseleur pour la caille,

amicalement, mais pas tout à fait comme le souvenir
qu’a laissé l’appel de l’Ami de ton âme.