Extrait de John Main osb, Word Made Flesh, « All You Have to Do is Begin », Darton et Longman, Londres, 1993, p. 52-54.
Beaucoup d’entre nous passent une grande partie de leur temps en… conversations stériles tellement les silences dans les échanges font peur et mettent mal à l’aise. Le silence nous fait peur également quand nous sommes seuls, de sorte qu’il nous arrive fréquemment d’allumer la radio pour avoir un fond sonore permanent de muzak ou de débats.
En méditation, nous passons du bruit de fond au silence. Cette étape est vitale, car le silence est nécessaire si nous voulons que l’esprit humain s’épanouisse et devienne créatif. Le silence suscite une réponse créative à la vie, à notre environnement et à nos amis, parce qu’il donne à notre esprit un espace où respirer, un espace où vivre. En silence, nous n’avons pas à nous justifier, à nous excuser ou à impressionner quiconque. Nous n’avons qu’à être.
C’est une expérience extraordinaire de liberté. En silence, vous ne jouez aucun rôle, vous ne répondez à aucune attente. Vous êtes simplement là, réalisant votre être, ouvert à la réalité. Ensuite, selon la vision chrétienne, nous sommes submergés par la découverte que la réalité dans laquelle nous avons l’être est amour. Dans le silence, nous savons que notre esprit se dilate dans l’amour.
Apprendre à être silencieux, c’est commencer un voyage. Commencer, c’est tout ce que vous avez à faire. Faire le premier pas dans le silence, c’est commencer le voyage de votre vie, le voyage dans la vie. Vous apprendrez alors deux choses : la première, à rester immobile, non parce que vous avez peur de bouger ou que vous vous imposez ce fardeau à vous-même, mais parce, dans l’immobilité, vous recherchez une unité de corps, d’âme et d’esprit ; la deuxième, à réciter votre mantra en réponse au silence de plus en plus profond qui naît de l’immobilité.
En commençant à dire le mantra, on prend conscience qu’on se trouve au seuil du silence. Pour beaucoup de méditants, c’est un moment critique, car ils quittent le monde familier des bruits, des idées, des pensées, des mots et des images. Quand vous pénétrez dans le silence, vous ne savez pas ce qui vous attend. C’est pourquoi, il est si important d’apprendre à méditer dans une tradition et dans un groupe qui reçoit, transmet et incarne cette tradition. Pour nous, c’est une tradition où il est dit : « ne crains pas ». Jésus est le coeur d’une tradition selon laquelle le but de la méditation est d’être présent à l’amour, l’amour qui dissipe toute peur.
Je pourrais recourir à tous les mots du vocabulaire pour vous parler du silence éternel de Dieu qui demeure dans le tréfonds de notre être, le silence de la création pure. Je pourrais vous dire combien ce silence est important parce que, en lui, pour la première fois, on entend son propre nom prononcé distinctement et sans confusion possible. Vous finissez par connaître qui vous êtes. Mais tous ces mots ne parviendraient pas à communiquer l’expérience elle-même, une expérience de liberté décomplexée, dans la présence créatrice de Dieu.
Après la méditation
Moine syrien anonyme, cité dans The Syriac Fathers on Prayer, ed. Sebastian Brock, Cistercian Publications, Kalamazoo, MI, 1987, p. 184.
Accorde à mon esprit, Ô Seigneur, de converser avec la grandeur de ta grâce, non par l’entremise de la voix du corps, ou de la langue de la chair, mais accorde-lui plutôt ce discours qui te loue en silence, toi le Silencieux qui se loue d’un prononçable silence.
Accorde-moi, Ô Seigneur, un esprit plein d’amour pour toi, un intellect plein d’intuition de toi, et un coeur pur d’où rayonne ta lumière.