Laurence Freeman osb, extrait de First Sight: The Experience fo Faith, Continuum, Londres, 2011, p. 61 et 62.
La méditation réunifie le pur rayon de lumière qui, tel que nous le percevons, est fragmenté par le prisme de l’ego. Elle conduit à une nouvelle façon de voir, une façon de percevoir qui fusionne la pratique quotidienne de la méditation avec la vie et le travail quotidiens en un chemin de foi intégré. Quand, enfant, nous voyons une chose pour la première fois, nous sommes stupéfaits. Le monde fourmille de merveilles à découvrir et nous ne pouvons pas comprendre pourquoi elles semblent si peu impressionner nos aînés.
Un jour, j’attendais l’arrivée de mes bagages sur le tapis roulant d’un terminal d’aéroport. L’attente semblait interminable et je ne désirais qu’une chose, sortir à l’air libre après des heures passées à respirer dans des environnements artificiels. C’est alors que je remarquai un petit garçon qui regardait fixement le tapis roulant, le visage transfiguré par l’attention. Soudain, une lumière se mit à clignoter et une sonnerie retentit pour annoncer l’arrivée tant attendue de nos bagages, mettant le comble à son excitation. Lorsque ses propres valises apparurent, il cria la nouvelle à son père avec une joie et un émerveillement indescriptibles. Quant à moi, j’étais simplement content que mes valises n’aient pas été une nouvelle fois perdues.
Qui a jamais aimé s’il n’a pas aimé au premier regard ? Qui a jamais vu le monde pour la première fois et n’en est pas tombé amoureux ? Mais nous oublions petit à petit ce premier frisson tandis que la vie devient routinière et que le stress en soustrait la joie et l’émerveillement. Mais il est possible de retrouver l’expérience du premier regard à un autre niveau de perception. En fait, si nous ne la retrouvons pas, nous ne pouvons pas nous développer. La foi est la capacité de voir à nouveau pour la première fois.
Après la méditation
Jean‐Yves Leloup, extrait de l’introduction à Praxis et Gnosis d’Évagre le Pontique, Albin Michel/Cerf, 1992, p. 44.
« La grâce, disait Bernanos, c’est de s’oublier », ne plus s’apercevoir de soi‐même… Cet oubli de soi n’est pas le résultat d’un quelconque volontarisme, mais le fruit d’une expérience du Transpersonnel au coeur du quotidien. Ne plus voir les choses par rapport à soi restitue chaque chose dans la clarté de son évidence. Cela ne nous « exile » pas du monde ; au contraire, nous sommes bien « dans le monde », mais nous demeurons libres à son égard et nous le rendons libre à notre égard : « dans le monde mais pas de ce monde ».