Laurence Freeman osb, extrait de La Lettre de Laurence, Bulletin trimestriel de la CMMC, 2010-4/2011-1, pp. 4-5.
Il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme ; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus (Gal 3, 28). Cette intuition typique de Paul mêle le social au mystique. Comme les paroles de Jésus lui-même, elle sape toutes les structures de pouvoir qui absolutisent les distinctions entre les êtres – la caste, la classe, les systèmes religieux, économiques ou culturels dans lesquels nous vivons localement. Elle confronte l’environnement sûr du local aux vues troublantes et enivrantes du planétaire où les horizons s’effondrent sur eux-mêmes. En tombant, ils font émerger l’universel, qui est toujours une manière de voir plutôt qu’un objet de perception. […]
Rencontrer le Christ ressuscité, cosmique, c’est être « en Christ ». Comme cela apparaît clairement dans les récits de résurrection, il ne peut être touché comme un objet ou simplement regardé. Dès que nous essayons de le faire, il disparaît. Il a besoin d’être vu et nous ne pouvons le voir que depuis ce niveau de conscience que l’expression « en Christ » tente de décrire. Il est plus facile de décrire les effets de cette expérience que la manière dont elle se produit. Ainsi, Paul, qui avait fait personnellement cette expérience et en avait été, selon ses propres termes, transformé, nous déclare que : « Si donc quelqu’un est dans le Christ, c’est une création nouvelle : l’être ancien a disparu, un être nouveau est là. » (2 Cor 5, 17)
La résurrection nous renvoie dans ce monde d’une manière nouvelle, avec une nouvelle vision et une nouvelle compréhension. La nouvelle création est une façon de vivre dans le monde, libéré des vieilles compulsions, de l’addiction à la violence en tant que mode de résolution des conflits, et des schémas répétés d’oppression et d’exploitation qui ont abouti à la crise actuelle.
La difficulté pour un chrétien contemporain, c’est qu’identifier la crise au mystère chrétien ne signifie pas que l’on résout le problème en baptisant tout le monde. Ou, si l’on reprend les mots tels qu’ils sont écrits, « allez et baptisez toutes les nations » fait référence à une insertion dans une manière de voir qui vient à ceux qui sont « en Christ » dans le sens le plus universel et le plus inclusif de la sainteté nouvelle. Pour les chrétiens modernes, le sens de la mission a changé à cause des changements intervenus dans le monde et de la direction qu’il prend. Quiconque prend part à sa mesure à la résolution d’une crise en sort transformé. L’identité chrétienne évolue également – en fait, s’enrichit et s’élève – lorsque nous risquons notre foi dans une réelle rencontre avec les problèmes du monde. Se tenir au-dessus de la mêlée, juger depuis une position de supériorité, ne procure qu’une mentalité de forteresse ; on aboutit au fondamentalisme et à l’exclusivisme qui, finalement, détruisent la foi parce qu’ils érodent la compassion. Mais croire en une création nouvelle et non en une autre création signifie que nous pouvons contribuer à faire basculer la crise collective vers l’espoir et le changement positif plutôt que vers le désespoir et la catastrophe.
Après la méditation
Rumi, “One Song”, extrait de The Soul of Rumi: A New Collection of Ecstatic Poems, New York, Harper & Collins, 2001, p. 47.
UN CHANT
L’objet de la louange est un, de même la louange est une,
beaucoup de cruches étant versées
dans un bol immense. Toutes les religions, tous ces chants,
un seul chant.
Les différences ne sont qu’illusion et vanité. La lumière du soleil
a l’air un peu différente
sur ce mur-ci de ce qu’elle paraît sur ce mur-là, et bien plus différente
sur cet autre mur, mais
c’est toujours la même lumière. Nous avons emprunté ces vêtements, ces
personnalités de temps et d’espace,
à une lumière, et en louant, nous les reversons en elle.