Laurence Freeman osb, Bulletin trimestriel de la CMMC, hiver 2000.
Que leurs leaders se replient sur un sectarisme rigide n’empêche pas de nombreux chrétiens d’apprendre à découvrir dans leur ancienne sagesse contemplative une expression plus véridique des enseignements de Jésus. Ce ne sont pas ceux qui disent « Seigneur, Seigneur » qui font plaisir au Père, mais ceux qui « font la volonté du Père ». Pour beaucoup, aujourd’hui, une doctrine ne mérite pas d’être crue, même si elle tente d’exprimer l’ineffable, uniquement parce qu’elle se dit vraie, mais parce qu’elle nous soutient dans la croyance que la consommation ne remplit pas toute la vie. Or, de nos jours, aucune croyance digne d’être acceptée ne peut être admise avec certitude, si ce n’est la certitude de la foi jointe à l’espérance et à l’amour.
Il faut sacrifier la certitude du fondamentaliste et s’autoriser un doute radical pour se remettre en question. L’expérience de la mort de la certitude est aussi celle de la mort du désir – le désir égoïste d’avoir raison, d’être en sécurité, d’être meilleur que les autres. Une telle mort est notre participation à la croix. La renaissance du désir qui vient ensuite est celle d’un désir transformé, jaillissant d’un cœur pur, dans la vision de Dieu. Ce « désir de Dieu » ne ressemble pas aux désirs que nous avons connus. Cependant, « heureux l’homme dont le désir de Dieu est devenu la passion d’un amant pour sa bien-aimée, » nous dit saint Jean Climaque. Il ne s’épuise pas et n’amène pas à exploiter autrui afin de le satisfaire. Il est à la fois désir et affranchissement du désir tel que nous le connaissions auparavant…
La méditation est purification du cœur et mort du désir. De même qu’une naissance succède à chaque mort, il existe aussi une régénération du désir en tant que désir de Dieu. Celui-ci ne peut jamais être un désir pour un objet de satisfaction de l’ego, mais il est, bien sûr, un désir de notre bonheur ; on ne peut jamais désirer être malheureux. Le désir de Dieu est un désir de bonheur par l’obéissance à la loi de l’amour. [Or cette loi] énonce que la seule forme de désir qui nous rendra vraiment et en permanence heureux est le désir du bonheur d’autrui.
Après la méditation
Extrait de : Simone Weil, Attente de Dieu, Fayard, 1966, p. 79-81.
Notre amour doit avoir la même étendue à travers tout l’espace, la même égalité dans toutes les portions de l’espace, que la lumière même du soleil. Le Christ nous a prescrit de parvenir à la perfection de notre Père céleste en imitant cette distribution indiscriminée de la lumière… Il faut être catholique, c’est-à-dire n’être relié par un fil à rien qui soit créé, sinon la totalité de la création… Nous vivons à une époque tout à fait sans précédent, et dans la situation présente l’universalité, qui pouvait autrefois être implicite, doit être maintenant pleinement explicite. Elle doit imprégner le langage et toute la manière d’être. Aujourd’hui ce n’est rien encore que d’être un saint, il faut la sainteté que le moment présent exige, une sainteté nouvelle, elle aussi sans précédent.