Laurence Freeman, osb, extrait de « La profondeur », La méditation, voie de la lumière intérieure, éditions du Jour, 1997, pp. 145-146.
Parce qu’elle est si exigeante, la paix peut paraître plus effrayante que la violence, que ce soit celle que nous exerçons sur nous-mêmes ou la violence exercée sur autrui. La paix profonde bouleverse notre univers. Il faut accéder à un très subtil équilibre de vie, la subtile fréquence de l’Esprit, pour trouver la simplicité et la subtilité nécessaires pour répondre au dynamisme du Christ. Accéder à cette profondeur, s’ouvrir à cette profondeur, signifie devenir vulnérable et rester vulnérable, non seulement dans la prière mais dans tous les domaines de la vie.
L’amour engendre la vulnérabilité, celle de la compassion ou de l’engagement inconditionnel. Avec la maturité, nous devons également apprendre à être résistants, car les blessures qui résultent de notre vulnérabilité ne doivent pas nous amener à nous refermer sur nous-mêmes. Cet équilibre particulier entre vulnérabilité et résistance fait partie du composé intellectuel, psychologique et spirituel unique que constitue un être humain. Chacun part d’un état différent de déséquilibre, mais tout le monde est appelé au même équilibre et à la même centralité, le même enracinement dans le Christ, qui fut blessé mais fut résistant dans la transcendance du pardon.
Après la méditation
Rabin Arthur Waskov, extrait de « La soukkah de shalom », The Nation, 20 septembre 2004, p. 24.
En 2001, quelques semaines après les attentats du 11 septembre, la communauté juive a célébré Soukkoth, la fête des moissons. Beaucoup l’ont fait en construisant une soukkah, une fragile cabane au toit de branchages, la plus vulnérable des habitations. Vulnérable dans le temps, puisqu’elle ne dure qu’une semaine chaque année. Vulnérable dans l’espace, puisque son toit doit être non seulement de feuilles mais suffisamment ajouré pour laisser filtrer la lumière des étoiles, le vent et les averses.
Dans nos prières du soir quotidiennes, alors que nous nous préparons à nous allonger dans la vulnérabilité du sommeil, nous supplions Dieu « Étends sur nous Ta soukkah de shalom – de paix et de sécurité ».
Pourquoi la prière demande-t-elle une soukkah de shalom plutôt qu’un temple, une forteresse, ou un palais de shalom qui seraient sûrement plus sûrs et plus protecteurs ? Précisément parce que la soukkah est tellement vulnérable.
La majeure partie de notre vie est consacrée à s’assurer de la paix et la sécurité en construisant avec de l’acier, du béton et du solide.
Des pyramides
Des abris anti-aériens
Des Pentagones
Des World Trade Centers.
Mais la soukkah nous le rappelle : en vérité, nous sommes tous vulnérables. Si, comme le chante le prophète Dylan, « Une grosse pluie doit tomber », elle tombera sur nous tous. Le 11 Septembre nous a rappelé cette ancienne vérité. Nous vivons tous dans une soukkah. Les océans les plus vastes, les immeubles les plus robustes, les bilans les plus solides, les armes les plus puissantes ne nous ont pas protégés.
Entre nous, il n’y a que de frêles parois et des toits percés. La planète est un tissu de vie aux fils entrelacés. Le commandement d’aimer mon prochain comme moi-même n’est pas une exhortation à être gentil : c’est l’énoncé d’une vérité, comme la loi de la pesanteur. L’amour – quel que soit son mode et son intensité – que je porte à mon prochain, se reflétera dans la manière dont je m’aime moi-même. Si je n’ai que mépris pour mon voisin, la haine se retournera contre moi. Seul un monde dans lequel toutes les communautés se sentent vulnérables et donc reliées à toutes les autres peut prévenir de tels actes de rage et de meurtre de masse. […]
Le choix auquel nous sommes confrontés est plus large qu’un choix politique, plus profond que la charité. Il s’agit de savoir si nous voyons le monde essentiellement comme une propriété à contrôler et à délimiter par des murs et des barrières toujours plus hautes, plus épaisses et plus solides, ou si nous le voyons comme un tissu ouvert de compassion et de connexion, de soukkah ouverte à soukkah ouverte. […] Rendre visible cette simple vérité fait naître l’espoir. Nous devons étendre sur nous tous la soukkah de shalom.