Laurence Freeman OSB, extrait du Bulletin trimestriel, 2008-3.
Voir la réalité telle qu’elle est, ou du moins se libérer progressivement de certains filtres, est un acte essentiel de foi. C’est l’expression du visage confiant de la foi, car l’attachement aux croyances et aux rituels de notre tradition (plutôt qu’aux croyances et aux rituels en eux-mêmes) devient une sécurité non seulement fausse mais qui nous induit en erreur. C’est pourquoi beaucoup de personnes profondément religieuses ont une aversion ou une antipathie pour la méditation parce qu’elle leur paraît (à juste titre) mettre en danger les frontières sûres qui protègent leur vision du monde et leur sentiment d’être différents et supérieurs aux autres.
Suivre une voie de foi ne consiste pas à adhérer obstinément à un point de vue unique ni aux systèmes de croyances et aux traditions rituelles qui l’expriment. Ce serait simplement de l’idéologie ou du sectarisme et non de la foi. La foi est un chemin de transformation qui demande que l’on entre dans nos cadres de croyance et nos observances extérieures, qu’on les traverse et qu’on les dépasse sans les trahir ou les rejeter, mais sans se laisser non plus prendre au piège de leurs formes d’expression. Pour saint Paul, la voie du salut commence et finit dans la foi. La foi est donc un état d’ouverture, depuis le tout début du cheminement humain. Nous avons naturellement besoin d’un cadre, d’un système et d’une tradition. Si nous sommes stablement établis en eux, le processus de changement se déploie et notre conception de la vérité ne cesse de s’élargir.
Après la méditation
W. S. Merwin, poème paru dans The Nation, 14 avril 2003.
À l’inachevé
Éminence radieuse sans qui je ne serais rien,
oh réserve immense jamais vue,
à peine reconnue, ignorée,
pas même pensée
Incommensurable présence en laquelle
l’obscurité même devient elle-même,
la lumière rappelle ses couleurs
et chaque son vient faire écho
A ta voix sourde j’ai oublié quand je me suis éveillé la première fois
à la conscience que tu étais là
avant qu’un seul mot
ne m’atteigne
Mais ce temps passé sous ton aile
est encore avec moi,
tu l’as porté tout ce temps, avec des visages qui émergent
presque sous l’aspect qu’ils avaient autrefois
Et avec le printemps qui revient
avec ses feuilles, jamais le même,
tu m’as ramené encore une fois à l’ancienne maison,
après toutes ces années passées à se souvenir
Sans savoir que c’était toi qui sans cesse ouvrait le chemin,
m’offrant ce que je devais choisir,
c’est toi qui vient m’apporter le jour unique
au matin.