Extrait de la lettre de Laurence Freeman, dans le Bulletin trimestriel de la communauté française, janvier 2020, dev3.refdig.com.
[La nouvelle sainteté] nous donne un aperçu du processus de réforme qui se déploie dans l’effondrement des anciennes structures. Elle renforce notre confiance pour faire face aux puissances massives des ténèbres parce que nous voyons non seulement leur capacité à faire des ravages, mais aussi leur aspect intrinsèquement superficiel et mensonger : le déni effronté de la vérité, la politique de l’”œil pour œil, dent pour dent” qui sape toute justice, le leurre de l’évangile de la prospérité qui blasphème contre le seul Saint.
Qu’est-ce qui nous permet de nous engager sur la voie de la vérité et de renouveler notre don de soi ? Comment commencer une œuvre bonne et empêcher l’ego de la détourner ? En découvrant la vraie nature de l’amour. Nous ne pouvons pas trouver cela sans aller dans le désert de la solitude, sans renoncer à la possessivité ni sans triompher du démon de l’isolement. C’est là l’œuvre de la contemplation qui nous conduit avec le temps de l’échec à l’humilité. […] La méditation nous redonne la sagesse perdue du lien entre l’ascèse – l’entraînement à la discipline de l’attention désintéressée – et l’amour. C’est l’accord perdu dans la musique de l’humanité que nous devons continuellement restaurer. En termes simples et directs, apprendre à méditer enseigne que pour trouver, il faut perdre.
Pour connaître la vérité qui nous libère de l’illusion, nous devons nous voir dans les autres et voir les autres en nous-même. Jésus insiste sur le fait qu’il n’y a rien à craindre de tout cela. Rumi l’a vu aussi lorsqu’il a écrit : “Dans la ruine d’un cœur brisé, on trouve le diamant de la passion divine qui peut ressusciter les morts”.
Après la méditation
Louise Gluck, “Vêpres”, dans Before the Door of God: An Anthology of Devotional Poetry, éd. Hopler et Johnson, New Haven, Yale University Press, 2013, p. 348.
Vêpres
Je sais ce que tu as prévu, ce que tu voulais faire
en m’apprenant à aimer le monde,
en rendant impossible de m’en détourner complètement,
de l’exclure complètement à nouveau –
il est partout ; quand je ferme les yeux,
le chant des oiseaux, le parfum du lilas au début du printemps, celui des roses en été :
tu veux enlever cela, chaque fleur, chaque lien avec la terre –
pourquoi me blesserais-tu, pourquoi voudrais-tu que je sois désolée à la fin,
à moins que tu ne veuilles que je sois si affamée d’espoir
que je refuse de voir qu’à la fin
il ne me reste rien, et que je croie au contraire
qu’en fin de compte c’est toi qui me reste.