Lectures hebdomadaires – Être vraiment intériorisé

Extrait de Laurence Freeman o.s.b., La parole du silence, « Le pouvoir de l’attention », Le Jour, éditeur, 1995, p. 50-55

Le grand danger, qui a toujours existé mais qui est particulièrement évident aujourd’hui dans notre société soucieuse d’elle-même et narcissique, est de confondre introversion, obsession de soi et auto-analyse avec la véritable intériorité. […] La vraie intériorité est l’opposé de l’introversion. Lorsque nous sommes éveillés à la présence qui nous habite, notre conscience est retournée, convertie, de sorte que nous ne nous préoccupons plus de nous-mêmes, comme à l’habitude, en anticipant ou nous remémorant des sentiments, des réactions, des désirs, des idées ou des rêves éveillés. […]

Il serait plus facile, croyons-nous, de fuir l’introspection si nous savions vers quoi nous nous tournons. Si seulement nous pouvions fixer notre attention sur un objet précis. Si seulement Dieu pouvait être représenté par une image. Mais Dieu, le vrai, ne peut jamais être une image. Les images de Dieu sont des dieux. Une image de Dieu ne nous conduit finalement qu’à contempler une image pimpante de nous-mêmes. Être vraiment intériorisé, ouvrir l’œil de notre cœur, c’est vivre dans la vision sans image qu’est la foi ; c’est cette vision-là qui nous permet de « voir Dieu ». Dans la foi, notre attention est soumise à un nouvel Esprit, elle n’est plus soumise aux esprits du matérialisme, de l’égoïsme et de l’instinct de conservation, mais à l’ethos de la foi qui est par nature dépossession. […]

Il n’est pas de défi plus crucial que d’entrer dans l’expérience de demeurer centré sur l’autre. C’est l’état extatique et permanent de la dépossession. Du reste, on peut l’entrevoir en pensant simplement à ces moments ou phases de notre vie où nous nous sommes sentis au comble de la paix, de la plénitude et de la joie, et en reconnaissant que ce furent des moments où nous ne possédions rien, mais où nous nous étions oubliés en quelque chose ou quelqu’un. Le passeport pour le Royaume doit porter le tampon de la pauvreté.

Après la méditation

Mary Oliver, Stanza 7, extrait de “October”, New and Selected Poems (Boston: Beacon Press, 1992), p. 62.

Parfois, quand l’été tire à sa fin, je ne peux rien toucher,
ni les fleurs, ni les mûres dont regorgent les fourrés ;
je ne peux pas boire à l’étang,
je ne peux pas nommer les oiseaux ni les arbres ;
Je ne peux pas murmurer mon propre nom.

      Un matin,
le renard est descendu de la colline,
resplendissant de confiance,
il ne m’a pas vue, -et je me suis dit :

Ceci est donc le monde.
Je n’en suis pas.
C’est beau.

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