Extrait de Laurence Freeman osb, « Quatrième Lettre », Un Monde de silence, Le Jour éditeur, 1998, p. 58-60.
Lorsque nous méditons, seuls, en groupe ou dans nos communautés, nous ne pouvons que devenir plus conscients du lien profond qui existe entre la méditation et le monde dans lequel nous vivons. De cette conscience grandit une expérience du lien qui nous unit – le fondement de l’être où nous sommes tous enracinés – qui s’exprime par un sens plus aigu de notre responsabilité. Dès lors, notre conscience naturelle nous oriente vers des actes responsables dans les différents domaines de notre vie et c’est ainsi que nous célébrons le mariage de la contemplation et de l’action. Le moteur de ce processus, c’est l’amour. La compassion, c’est l’amour qui unit ceux qui souffrent. Elle est rédemptrice, car contre toute attente elle fait jaillir une lueur dans les profondeurs les plus obscures et, au cœur de la plus horrible des tragédies, libère la joie d’être.
La réaction collective face à une tragédie nationale peut éveiller la capacité universelle de compassion de la nature humaine. À ce moment-là, nous sommes capables de voir la vie avec du recul. Les vraies valeurs supplantent les fausses. L’impatience et l’intolérance que la peur fait naître entre les peuples se dissipent et, dans ces moments de grâce, nous nous traitons mutuellement avec sympathie et respect. Le Royaume, diraient les chrétiens, est proche. Son intériorité s’est manifestée dans les relations humaines. Mais nous savons, hélas, que de tels instants de paix ne durent guère… L’un des sens que l’on peut trouver à la souffrance et au mal est qu’ils nous plongent, ne serait-ce qu’un instant, dans la conscience partagée de la réalité de la communion. Nous voyons que le Royaume […] n’est pas quelque chose qu’on peut produire et consommer, mais qu’il est le fondement intemporel et illimité de l’être. Si tant est que nous n’ayons pas perdu notre sensibilité à la souffrance, un malheur tragique nous fait percevoir non seulement combien Dieu est loin mais aussi combien Il est proche de nous.
Après la méditation
Lacy M. Johnson, professeure adjointe d’anglais, Rice University, Houston, TX. Mise à jour Harvey pour la famille et les amis, édition du mercredi soir, 30 août 2017, publication Facebook.
L’eau détruit tout ce qu’elle touche : elle creuse des canyons dans les déserts, elle engloutit des personnes, de la glace, des villes entières et des continents. Elle détruit aussi les choses triviales que nous vénérons toute notre vie : nos maisons, nos rues, notre fierté, nos temples de bigoterie et de cupidité. J’ai entendu l’histoire d’un homme qui avait fui son quartier inondé, mais qui avait ramé pour revenir en kayak sauver une personne ou une chose de plus, et qui avait chaviré dans le courant. Il avait disparu toute la nuit et au matin, on l’avait retrouvé accroché à un arbre. Une adolescente a été emportée par le courant du bayou et s’est accrochée à la grille d’un pont jusqu’à ce que les sauveteurs la trouvent au matin. Un bébé a été arraché à sa mère par le courant et le courant a offert cette toute nouvelle vie à la mer agitée.
Mais l’eau lave aussi, donne la vie, renouvelle. L’eau a détruit cette ville, il n’y a pas à dire, mais l’effusion d’amour dont je suis témoin ici, parmi mes voisins et les étrangers, et qui nous vient du monde entier, est la plus belle chose que j’aie jamais vue.