Extrait de Laurence Freeman, « La révérence », in La méditation, voie de la lumière intérieure, Le Jour, éditeur, 1997, p. 127
Les gens religieux ont tendance à avoir plus vivement que les autres conscience d’eux-mêmes. Si nous examinons honnêtement cette conscience que nous avons de notre personne, nous pouvons la relier à un certain manque de révérence dans notre vie religieuse. Peut-être serons-nous même surpris de constater qu’aux moments les plus sacrés, notre esprit de révérence est honteusement superficiel. Les non-chrétiens sont souvent frappés par le brouhaha, l’irrévérence bruyante qui caractérisent nos églises. Ils remarquent par exemple l’absence de silence ou d’immobilité physique. Ils constatent également que nous consacrons bien du temps à demander à Dieu de réaliser nos vœux.
Ceci ne veut pas dire que nous ne devrions jamais bouger sur nos bancs, ni que les mots ne sont pas un élément enrichissant du culte. Mais la méditation modifie notre attitude à l’égard du culte parce qu’elle nous enseigne, de l’intérieur, par notre expérience personnelle, que le Dieu que nous adorons est présent, et que c’est sa présence que nous adorons. La méditation rend notre vie religieuse plus révérencieuse, car elle nous enseigne, par l’expérience de la Présence intérieure, que c’est en cette Présence que nous adorons la Présence de Dieu. Nous ne sommes pas moins en lui qu’il est en nous. Par l’interpénétration de sa conscience avec la nôtre, nous connaissons parce que nous sommes connus. La réaction la plus naturelle face à l’expérience de connaître en étant connus est un silence révérencieux. Le silence mène à un approfondissement de la connaissance mutuelle. […]
Nous utilisons tant de mots ! Nous entendons tant de fois par jour les mêmes mots et les mêmes idées que leur sens finit par s’émousser. Mais beaucoup d’entre nous se souviennent d’avoir entendu des paroles de saint Paul lues par le Père John comme s’ils les avaient entendues pour la première fois. C’était un émerveillement, et sans émerveillement, nous oublions que la réalité dont nous parlons et que nous adorons est réelle et présente. La révérence et l’émerveillement ne peuvent naître qu’à partir d’un contact avec la Présence réelle. Sinon, nous restons bloqués au niveau du contact indirect ; nous parlons de choses, nous pensons à des choses. Ensuite, nous en venons inéluctablement à nous écouter parler, à réfléchir à la manière dont nous nous exprimons, à l’effet que nous produisons ; ainsi en arrive-t-on à l’autosatisfaction religieuse. L’étape suivante consiste à vouloir ergoter ou condamner. C’est la grande tendance, la grande malédiction dont sont victimes les gens religieux dès lors qu’ils perdent la révérence.
Et pourtant, le chemin qui mène de l’autosatisfaction à la révérence est si simple. Il est inutile de chercher à concevoir un contact direct avec Dieu puisqu’il est déjà établi. C’est l’incarnation, le Verbe fait chair. Il n’est pas nécessaire de chercher à savoir comment atteindre cette Conscience supérieure, car elle a déjà fait sa demeure en nous, non par le raisonnement mais par l’amour. La méditation consiste simplement à savoir cela.
Méditez pendant 30 minutes
Rappelez-vous : Asseyez-vous. Restez immobile et le dos droit. Fermez doucement les yeux. Soyez détendu mais vigilant. En silence, intérieurement, commencez à dire un mot unique. Nous recommandons le verset de prière « Maranatha » qui signifie « Viens, Seigneur » en araméen. Récitez-le en détachant chaque syllabe. Ecoutez-le tout en le disant, doucement, mais sans discontinuer. Ne retenez et n’entretenez aucune pensée, aucune image, spirituelle ou autre. Laissez passer les pensées et les images qui surgissent. Ramenez simplement votre attention – avec humilité et simplicité – sur la répétition intérieure de votre mot dans la foi, du début à la fin de votre méditation.
Après la méditation
Rumi, extrait de The Essential Rumi, d’après la trad. anglaise de Coleman Barks, Edison, New York, Castle Books, 1997, p. 178, “Two Kinds of Intelligence”
Il existe deux sortes d’intelligence : l’une acquise
Quand l’enfant à l’école mémorise des faits et des concepts
À partir des livres et de ce que dit le maître,
En puisant des informations dans les sciences traditionnelles
Et les sciences nouvelles.
Avec cette intelligence, on s’élève dans le monde.
On est classé devant ou derrière les autres
Selon notre aptitude à retenir l’information.
Avec cette intelligence, on déambule
D’un domaine à l’autre de la connaissance,
accumulant toujours plus d’inscriptions à garder sur nos tablettes.
Il existe une autre sorte de tablette,
une tablette déjà complète et préservée à l’intérieur de soi,
Une source qui déborde de son origine.
Une fraîcheur au milieu de la poitrine.
Cette autre intelligence ne jaunit pas. Elle est fluide,
Elle ne se déplace pas de l’extérieur vers l’intérieur
Par les tuyaux de l’apprentissage-plomberie.
Ce second savoir est une source
Qui coule de l’intérieur de vous, qui se déplace vers l’extérieur.